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Ensemble Lyrique Ibérique: Romances judéo-espagnoles

Posted By: vidra
Ensemble Lyrique Ibérique: Romances judéo-espagnoles

Ensemble Lyrique Ibérique: Romances judéo-espagnoles
Dominique Thibaudat (voice), Nabil Ibn Khalidi (oud), Pierre Rigopoulos (zarb+bendir) | 1993 | APE+MP3 | 206+89 MB | Booklet scan 300 dpi


Les communautés judéo-espagnoles officiellement expulsées d’Espagne en 1492 ont persisté en partie dans la péninsule ainsi que leurs voisines portugaises, sous le nom de “Conversos”, au moins jusqu’à la fin du XVIIème siècle si l’on en croit les derniers grands "auto-da-fés" de 1680.

Ainsi les chants de ces communautés dispersées, essentiellement pour les espagnoles autour du bassin méditerranéen, déclinent-ils différents états de la chanson d’origine hispanique, notamment dans leur métrique, voire dans leur type mélodique - ce dernier ayant toutefois subi l’influence des pays d’accueil, surtout de l’est méditerranéen, avec un fréquent usage du “tétracorde chromatique” descendant (la sol dièse fa mi), dont l’usage pourrait aussi se rattacher à des particularités de l’Andalousie islamique, sous influence syriaque tout d’abord (Zyriab venu du califat de Damas). Les communautés juives étaient fortement implantées dans les émirats islamiques d’Espagne et dans le califat de Cordoue : elles y étaient bien accueillies avant la Reconquête chrétienne dont l’influence se fait sensible en Andalousie dès la première moitié du XIIIème siècle : Alméria est reprise en 1147, mais la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 fait sauter le verrou de l’Andalousie ouest : Cordoue devient “chrétienne” en 1236, Jaen en 1245, Séville en 1248, Huelva et Niebla en 1257, Tarifa l’était en 1294 et le redevient en 1340, dernier grand effort à la bataille du Salado pour repousser les dernières invasions du Maghreb. Puis c’est la reconquête jusqu’à la phase finale du royaume de Grenade en janvier 1492 avec en parallèle l’alternative pour les juifs, puis pour les musulmans de se convertir au catholicisme ou de partir.
Ce programme proposé par l’ensemble Lyrique Ibérique fait apparaître à travers la variété des formes et des thèmes, celles des lieux et des temps de composition ainsi que le rôle de la tradition juive dans la conduite et la modification d’une tradition soit hispano-chrétienne du “romance” (ex. Lavava i suspirava, Porke yorach blanka ninya), soit islamo-andalouse des jarch’yas et chansons de femmes (Morenika a mi me yaman, Ven kerida ven amada, Notches buenas) ou encore la conservation de la tradition juive hispanique en Orient (Nani, nani, Durme, durme, A la una nasi yo, Mi suegra, O ke mueve mezes). Ir me kyero et Kuando el rey Nimrod (de Tétouan) sont d’origine purement juive, auxquelles il faut ajouter la Serena, création musicale du XIXème siècle, romance de salon ou de café-concert, sur des thèmes poétiques inspirés de la “copla” andalouse de la même époque.

Lyrique Ibérique cherche à recréer l’oralité de cette tradition par la liberté de l’improvisation ornementale qui affleure au sein même des transcriptions musicologiques. L’emploi d’instruments connotés “orientaux” (zarb, oud), présents à la cour d’Alphonse X le Savant au XIIIème siècle, ajoute à notre dépaysement à la fois dans l’espace et dans le temps.

On aperçoit bien à travers cet enregistrement la symbiose qui s’est faite entre un texte tantôt d’origine hispanique du nord, tantôt andalou, tantôt issu de la pure tradition juive d’Espagne avec des mélodies orientales, d’Asie Mineure ou des Balkans. Mais on notera également l’arrivée à peine modifiée d’une série plus récente de la fin du XVIIIème siècle et du XIXème siècle dans un genre plus léger qui voisine avec des traces de formes médiévales revêtues de mélodies beaucoup plus récentes.
Pour qu’un texte survive dans la tradition orale chantée, sa mélodie doit s’adapter au milieu ou à la mode ambiante. Cependant certaines mélodies hispaniques, précisément par leur parenté avec le style andalou, ont pu survivre avec relativement peu de modifications.

Danièle BECKER, musicologue

Ensemble Lyrique Ibérique: Romances judéo-espagnoles